L’essayiste français, connu pour ses écrits sur la décroissance et l’acroissance, perçoit cette crise sanitaire comme un extraordinaire révélateur de faiblesses que l’on avait oubliées. Il n’est pas convaincu que le monde en sortira changé. Mais il l’espère.
Paul Ariès doit être content, il va l’avoir, sa décroissance. C’est la réflexion que nous nous sommes faite, la semaine dernière, en prenant contact avec l’un des intellectuels français les plus réputés dans les questions de décroissance. Ou plutôt, insiste-t-il, «de l’acroissance». Comprenez: la croissance différente, raisonnable, centrée sur l’humain et la préservation des ressources.
Nous nous sommes aussi demandé si Paul Ariès allait oser se réjouir de ce coup de frein historique, alors que l’on en est encore à compter presque en direct les confinés, les malades et les morts partout autour du globe.
A vrai dire, l’essayiste vogue entre les deux sentiments. Cette crise sanitaire sert de révélateur économique, écologique, sociétal et politique. Et ce qu’elle montre, c’est que l’on avait «oublié notre fragilité», relève-t-il. En cela, elle a un effet positif. Il se montre par contre plutôt pessimiste sur les leçons que l’on tirera de cet immense bouleversement de nos habitudes et de nos équilibres. Même s’il entretient un espoir, mince, sur nos comportements à l’échelle individuelle.
Le Temps: Quel est le premier enseignement à tirer de cette crise sanitaire?
Paul Ariès: Elle est un rappel nécessaire de notre extrême fragilité. C’est un démenti brutal au fantasme d’immunité dans lequel nous vivions. On se croyait tout-puissants.
Qu’entendez-vous par «tout-puissants»?
Comme si notre société pouvait éviter, comme par miracle, une épidémie de grande ampleur! Comme si nous étions devenus les maîtres du monde, de la nature et des virus. Les épidémies ont marqué notre histoire et continueront à le faire. Un simple exemple prouve que l’on avait succombé à ce sentiment de toute-puissance: nous pensions que l’on pouvait totalement délocaliser la production de masques, que l’on n’avait pas besoin de stocks. On avait cette foi un peu béate en la volonté et en la capacité du reste du monde à nous fournir des masques. Désormais, on veut être autonome dans ce domaine.
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